Après 10 années de guerre civile, on estime aujourd’hui à près de 4.200 le nombre d’enfants associés aux forces et groupes armés en République Démocratique du Congo, notamment dans les deux Kivus et le Katanga.
A l’occasion du déplacement de S.A.R. la Princesse de Hanovre à Kinshasa en juin 2013, l’Ambassadeur du Brésil en RDC, S.E.M. Paulo Uchoa et le Commandant Militaire de la MONUSCO, ont proposé d’associer l’AMADE à un projet pilote intégrant la pratique de la capoeira au processus de reconstruction et de réinsertion sociale des enfants démobilisés des groupes armés.
Le partenariat ainsi établi en 2014 avec l’Ambassade du Brésil en RDC, l’UNICEF, la MONUSCO, l’Association Capoeira Congo et la Fondation Viva Rio a eu pour objectif de contribuer au processus de démobilisation et de réintégration des enfants soldats en RDC et plus particulièrement dans le Nord Kivu, en intégrant la pratique de la capoeira aux activités conduites au sein des établissements d’accueil des enfants démobilisés. Pour ces jeunes qui n’ont connu que la violence, cette pratique, conjuguant à
la fois l’approche sportive et psychosociale, joue un rôle important dans la promotion de l’inclusion, de l’égalité et de la citoyenneté des enfants récemment démobilisés des forces et groupes armés.
Compte tenu des résultats positifs du projet pilote, une deuxième phase portant sur l’utilisation de cette discipline sportive et artistique comme outil de travail social complémentaire dans le cadre de la prise en charge globale, de l’orientation et de l’insertion des enfants sortis des forces et groupes armés a été mise en oeuvre.
Dans la lignée du projet pilote, le but de l’extension du projet a été de poursuivre l’utilisation de cette discipline sportive et artistique comme un outil de travail social complémentaire, dans le cadre du processus de réintégration des enfants sortis des forces et groupes armés au sein de leurs communautés.
En 2015 les bénéficiaires directs ou indirects du projet ont été :
- les 600 enfants associés aux forces et groupes armés hébergés au sein du Centre de Transit et d’Orientation (CTO) de l’ONG CAJED et du Centre d’Accueil de Jour de l’ONG PAMI dans la région de Goma ;
- les 30 encadreurs ;
- la communauté, formée des familles des enfants, des familles d’accueil transitoire et des membres de la communauté avoisinante.
Pour les 600 enfants soldats démobilisés bénéficiaires, la pratique de la capoeira fut l’occasion de se réapproprier leurs corps et de travailler sur le respect de l’autre. La capoeira est en effet un sport où il n’y a ni vainqueur ni perdant, c’est une pratique inclusive porteuse de valeurs de paix et de tolérance. Une attention particulière a également été apportée aux besoins spécifiques des jeunes filles associées aux groupes et forces armés et des enfants affectés par les violences sexuelles.
Les encadreurs ont d’autre part été formés à la prise en charge individuelle de chaque enfant bénéficiaire, afin d’accompagner au mieux la réinsertion des enfants eu sein de leurs familles, au terme de leur séjour au sein des centres de transit. Les enfants des communautés voisines des deux centres de transit accueillant les enfants soldats démobilisés ont également été associés aux activités, et ce afin de lutter contre la discrimination dont peuvent souffrirent ces enfants souvent stigmatisés.
3084 ex-enfants soldats hébergés au Centre de Transit et d'Orientation de CAJED et au Centre d'Accueil de jour PAMI dans la région de Goma
30 encadreurs formés à la capoeira
Démobilisation et Réinsertion d'enfants soldats
-
République Démocratique Du Congo
Nord Kivu
-
Etat du projet
Achevé
-
Durée
2014 - 2018
-
Financement
153 996 €
-
Bénéficiaires
3084 enfants associés aux forces et groupes armés
-
Partenaires
UNICEF
MONUSCO
FNUAP
UNHCR
Ambassade du Brésil en RDC
SOFIBANQUE
-
Objectifs
Contribuer au processus de démobilisation des enfants soldats en République Démocratique du Congo
Témoignages

Bahati
Témoignage Bahati
Bahati (pseudo), un jeune garçon de 17 ans a été recruté de force par le groupe rebelle ADF-NALU et amené en Ouganda où il a passé 2 ans avec les rebelles. Il est parvenu à fuir et rentrer au pays en passant par la forêt du territoire de Beni.
“Quand les ADF ont été battu par les forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), c’est à ce moment-là que j’ai eu l’occasion de fuir dans la forêt; j’ai été ramassé par les FARDC et cela a été long avant que j’arrive ici au centre“.
Depuis l’année 2014, les enfants vivant au CTO/CAJED sont initiés à la Capoeira, une discipline qu’ils apprécient bien car c’est une activité éducative qui favorise la tolérance et un esprit amical. Bahati est heureux de se retrouver hors de l’armée et aspire à un bel avenir.
« Je me sens super bien et je n’ai aucune envie de retourner dans l’armée. Ici, je pratique la capoeira avec mes confrères venus aussi des groupes armées, c’est vraiment une bonne discipline car elle nous unit et nous rend fort ».
http://www.odhasbl.org/la-capoeira-rend-plus-fort/
Fermer
Nadia
Nadia, 17 ans, a été violée dans un quartier de Goma et s’est retrouvée enceinte alors qu’elle n’avait que 16 ans. C’est là que sa vie a basculé.
« Je me demandais ce que cet enfant allait devenir. Comment allais-je pouvoir m’occuper de lui étant donné que moi-même je n’avais rien et que je n’étais même pas en mesure de me prendre en charge.
Après quelques mois de prise en charge psychosociale, Nadia a pu surmonter ses difficultés. Elle a donné naissance à un petit garçon et a commencé à apprendre à coudre et faire la pâtisserie. Elle a retrouvé le goût de la vie après avoir participé à plusieurs séances de capoeira. Elle rêve maintenant de faire de grandes choses dans sa communauté.
Photo © Manuel Vitali
« J’aimerais ouvrir un centre de formation où je vais enseigner la capoeira aux jeunes filles de la communauté. La capoeira m’a beaucoup aidé à me relever. Il faudrait que les filles qui traversent des moments difficiles comme moi sachent que l’espoir n’est pas perdu », a-t-elle dit.
Fermer

Rafael
Témoignage d’un formateur - Rafael CABANILLAS
A Goma, la capoeira ramène les enfants à la Paix
Capoeiriste mexicain, je suis arrivé au Nord Kivu en septembre, pour animer le projet Capoeira pour la Paix. Avec Dieudonné, capoeiriste de Kinshasa, j’anime la formation des enfants sortis des groupes et forces armés à la capoeira. Voici comment cet art martial participe à leur réinsertion.
Il y a dix ans, j’ai commencé la capoeira au nord du Mexique. Comme beaucoup de capoeiristes de ma génération qui ne sont pas au Brésil, j’ai découvert la capoeira grâce au film “Only the Strong” et au jeu vidéo Tekken. Au début, je n’ai pas réalisé que la capoeira pouvait avoir une telle importance culturelle et sociale, je pensais alors que ça n’était qu’un art martial parmi tant d’autres.
Dans le cadre de ma formation comme capoeiriste en groupe, mon maître (Maître Manchinha de Cordão de Ouro) nous a demandé de l’aider à créer un projet de capoeira sociale. L’idée était d’enseigner la capoeira dans des foyers d’accueil aux enfants ayant des antécédents de violence familiale et dans des zones défavorisées de ma ville. C’est là que j’ai vu la capoeira comme un outil social, un moyen d’enseigner aux autres, à travers le jeu et les arts martiaux, le respect, la connaissance de l’autre, de l’égalité, de la discipline et le fruit de l’effort.
Quand nous avons commencé le projet Capoeira pour la Paix en République Démocratique du Congo en septembre, nous ne savions pas comment les enfants réagiraient, car la capoeira est en principe une activité qui exige des compétences physiques, des entrainements et de la persévérance, et c’était une activité totalement inconnue des enfants. Pour faciliter les choses, nous nous sommes efforcés de la présenter comme un jeu, comme un moyen de s’exprimer… et les enfants ont adoré ! Le fait que la capoeira soit un mélange de musique, d’acrobaties et de mouvements physiques a permis aux enfants des différents centres de s’approprier la capoeira pole pole (« petit à petit » en swahili, la langue parlée dans l’Est du pays).
Ce que j’ai appris depuis mon arrivée à Goma, où a lieu le projet, c’est que nous oublions trop souvent que les enfants ont besoin de s’amuser, de loisirs et d’activités sportives.
Ces jeux et passetemps, employés à bon escient, ont le pouvoir de développer l’intelligence et d’agir comme des outils psychosociaux très puissants.
Tout au long de ce mois, nous avons vu à la fois les capacités psychomotrices des enfants se renforcer, mais aussi leur attitude en classe et dans le centre s’améliorer. Sur cela, nous construisons ensemble les valeurs de paix, de tolérance, d’écoute et de respect de l’autre. Les encadreurs qui s’entraînent avec les enfants ont, non seulement, remarqué une différence dans leur relation avec eux, mais aussi entre eux, au-delà de leurs différences.
Les progrès sont là mais une difficulté subsiste : dans les centres de transfert, notre engagement auprès des enfants n’est que temporaire (un mois et demi à trois mois, jusqu’à ce que l’enfant soit réunifié avec sa famille). Nous avons donc peu de temps et pourtant nos objectifs sont très ambitieux.
Pour cette raison, un de nos objectifs est d’ouvrir progressivement les différents centres aux communautés voisines. Nous souhaitons que la communauté fasse partie du projet, d’une part pour amorcer la réinsertion sociale des enfants et d’autre part pour tenter de réduire la stigmatisation dont le centre fait l’objet. L’idée, c’est que les enfants qui sont stigmatisés à cause de leur assimilation aux groupes armés puissent entrer en contact avec la population hors du centre. Cette ouverture à la communauté se met déjà en place : nous avons ouvert des cours à la communauté extérieure dans un centre d’accueil de jour. Cinquante personnes de tous âges et sexes sont venus s’inscrire pour partager ces moments avec les enfants du centre.
Nous savons que notre intervention donne des résultats progressivement ; nous sommes conscients des défis mais nous restons optimistes. A ce jour, le projet touche déjà 250 personnes et les cours sont offerts dans un centre de transfert, un centre de jour et une école. Notre travail ne s’arrête pas à l’encadrement des enfants du centre : notre mission est aussi de former les encadreurs et de sensibiliser les partenaires et la communauté autour des centres. Nous devons garder à l’esprit qu’une grande part de notre succès vient du travail que nos partenaires font pour la réinsertion des enfants :
"travailler ensemble permet de construire un avenir durable pour tous."
Rafael Cabanillas est le coordinateur du projet pilote "Capoeira pour la paix" à Goma. Partager avec les enfants à travers ce projet dans une ambiance d'amitié et de respect est l'une des expériences les plus émouvantes de sa vie. Sa vision de la paix : "la paix n'est pas une tentative singulière mais l'engagement d'y travailler chaque jour et à chaque niveau de notre vie".
Photo © Manuel Vitali

Innocent
Pour les garçons âgés de 12 à 16 ans du centre de transit et d'orientation (CTO) de Goma, géré par l'association CAJED (Concert d'Actions pour Jeunes et Enfants Défavorisés) avec l'appui de l'UNICEF, la journée démarre à 7h00 par le petit-déjeuner. Les jeunes sont ensuite répartis dans différents groupes pour suivre, selon leurs choix, des cours d'alphabétisation, de remise à niveau scolaire, ou d'initiation au dessin, à la couture, au chant, à la musique ou à la danse. Dans l'après-midi, après le repas et une sortie en ville accompagnée, ils pourront se détendre : aujourd'hui, Dieudonné est venu les initier à la capoeira !
Les 37 jeunes qui vivent ici ont tous la particularité d'être d'anciens enfants-soldats tout récemment démobilisés. Les centres de transit et d'orientation ont été créé pour faire face à l'afflux massif d'enfants sortis des groupes armés : dans l'est de la République démocratique du Congo, depuis 2004, chaque année, entre 3000 et 4000 enfants sont sortis des groupes armés. Ici, au pic de son activité, en 2013, le centre a accueilli 188 enfants lors d'une vague de démobilisation de milices suite au départ du M23. Dès que possible, L'UNICEF tente de placer tous les enfants-soldats démobilisés dans des familles d’accueil, avant de les réunir avec leur famille d'origine. Quand le nombre d'enfants dépasse les capacités d'accueil, priorité est donnée aux filles, et les garçons transitent par un CTO, en général moins de 3 mois.
Innocent est arrivé au centre il y a 18 jours. À l'âge de 13 ans (il en a aujourd'hui 15), il a volontairement rejoint les maï-maï Pareco, une milice d'auto-défense agissant dans le massif du Masisi, au Nord-Kivu, car « tous ses amis du quartier s'était déjà enrôlés ». Innocent était en 2ème secondaire, allait tous les jours à l'école et aimait ça. Mais il s'est fait influencer par ses amis qui lui ont dit qu'il mangerait tous les jours de la viande, et qu'on lui donnerait des vêtements et des bottines. « Chez moi, il pouvait se passer plus de 2 semaines sans que je mange un morceau de viande. Chez PARECO, j'étais employé à faire la cuisine, alors j'ai pu manger de la viande jusqu'à 3 fois par semaine. Je n'ai reçu ni vêtements ni bottine, mais quand nous partions piller des villages, nous pouvions en récupérer. Pour le reste, en revanche, la vie était mauvaise. Dès que je faisais une erreur, on me tabassait. On me frappait pour un rien, par exemple si on me trouvait au puit, on prétextait que je trainais trop et on me fouettait. Il ne se passait pas une semaine sans que je sois frappé ». Après 4 mois de ce régime, malgré les menaces répétées de venir le chercher chez lui s’il partait, Innocent a pris la fuite avec 2 amis.
Le répit fut de courte durée, juste le temps d'apprendre que son père était décédé. Deux jours après être rentré chez lui, une autre milice maï-maï est venue piller son village, et Innocent s'est fait capturer avec un autre enfant. Les miliciens leur ont demandé d'escorter les chèvres qu'ils avaient pillées jusqu'à leur camp, et ne les ont plus laissés partir. Innocent est resté plus d'un an et demi avec eux. Il a été nommé « chief escort » : quand le commandant se déplaçait, il devait le précéder et ouvrir la voix. Il reçut un fusil et ne quittait jamais le commandant, allant jusqu'à dormir à ses côtés. Un an après sa capture, Innocent participa à son premier combat, contre une milice rivale, les Nyatura. « J'ai vu des gens mourir. J'avais peur », se remémore Innocent. « J'ai dû abattre un fuyard car le commandant me l'a ordonné ».
Six mois plus tard, les Nyatura, aidés par un groupe FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), ont répliqué. Alors que tout le monde prenait la fuite, Innocent en a profité pour s'échapper, marchant 2 jours, seul, pour atteindre le camp de la MONUSCO de Kitchanga. Même si il avait abandonné son fusil dans sa fuite, il réussit à prouver qu'il était un enfants-soldat en brandissant sa gourde militaire.
Innocent n'a plus aucune nouvelle de sa famille ; il sait juste qu'ils se sont déplacés pour fuir les combats, et que l'un de ses frères a lui-aussi rejoint un groupe armé. Le retour à la vie civile est souvent compliqué pour des jeunes déracinés, qui ont eu l'habitude de se nourrir ou d'obtenir quoi que se soit à l'aide d'un fusil. Dans les villages d'où ils viennent, s’ils peuvent y retourner, ils seront confrontés à la pauvreté et devront travailler dans les champs. C'est une activité pénible qui rapporte peu. Une minorité rejoindra de nouveau un groupe armé, par facilité. Mais d'autres parviendront à faire des études et à concrétiser leurs rêves.
Innocent, lui, rêve de devenir médecin.
Photo © Manuel Vitali
Fermer

Témoignages
Témoignages lors du spectacle de clôture de la formation (août 2016) à l’hôpital Heal Africa
Tout a commencé par un rassemblement et l’échauffement des enfants qui ont été conduits par Alex et Ninja, deux formateurs en capoeira travaillant à l’UNICEF. Ensuite, les enfants et adolescents ont expliqué les bénéfices qu’ils ont tiré de l’apprentissage de la capoeira et comment ils se sentent maintenant, après un si long moment d’apprentissage.
Charlotte, un enfant du centre Heal Africa, explique : « la capoeira m’a appris à respecter les autres, à vivre en famille, à me rapprocher des autres. Elle m’a apporté des changements au niveau physique et au niveau mental, elle m’a apporté une déstresse totale ».
Plusieurs parents ayant accompagné leurs enfants se disent aussi très satisfaits parce que la capoeira a apporté un vrai changement à leurs enfants. La maman de Charlotte explique : « Nous disons merci à Heal Africa et à l’UNICEF d’avoir pensé à apprendre la capoeira à nos enfants. Avant mon enfant était très timide, il s’isolait des autres, il était très inactif mais aujourd’hui, grâce à la capoeira, mon enfant commence à s’exprimer, à être actif et il veut faire partie d’un groupe d’enfants ; vraiment la capoeira vient de transformer mon enfant ».
La capoeira aujourd’hui ramène de l’espoir et le goût de vivre aux enfants et aux apprenants, d’après Flavio, qui est spécialiste en protection de l’enfance à l’UNICEF Zone Est et en même temps maître de la capoeira. Pour lui, avant d’apprendre aux autres, il est d’abord apprenant lui-même : « La capoeira m’a beaucoup aidé parce que quand j’étais jeune mes parents m’ont abandonné et sont partis dans le trafic de drogue. C’est avec la capoeira que je retrouve le sens de ma vie car depuis mon jeune âge je me suis initié à cette discipline et elle m’a permis de finir mon stress et de me sentir encore utile et important ; C’est pourquoi quand j’apprends aux enfants je me sens super bien ».
http://ponabana.flywheelsites.com/category/protection/capoeira-for-peace/
FermerVoir les actualités de ce projet
- Innocent, 15 ans : Récit d'un ancien enfant-soldat
- De bénéficiaires du programme « Capoeira pour la Paix » diffusent la pratique de la Capoeira pour renouer les liens entre chrétiens et musulmans
- Premier bilan du programme Capoeira pour la Paix
- Concert exceptionnel de l'OPMC au profit de l'AMADE
- Concert de bienfaisance de l’OPMC au profit de l’AMADE